19 nov. 2012

Au plus près de la Corée du Nord

Les conflits et les secrets d'Etat m'ont toujours intriguée. Les Etats autoritaires encore plus: je me demande comment est-ce possible de régner en maître sur un pays et ses habitants sans voir son pouvoir s'affaiblir. Je me demande aussi comment sont de l'intérieur les pays autoritaires, que dit la population, comment vit-elle, quelles sont les stratégies politiques des politiciens pour maintenir leur joug sur le pays, souvent fermé sur l'extérieur. J'ai eu l'occasion de chercher des réponses à toutes ces questions sur les bancs de l'uni, mais je ne me suis jamais rendue sur place.

Là-bas, en Corée du Nord
Eh bien, bingo, je suis précisément en Corée du Sud, voisin de la Corée du Nord, le pays le plus fermé et mystérieux au monde.

Malheureusement, je n'ai pas eu la chance de me rendre en Corée du Nord, mais j'ai pu m'en approcher le plus possible en me rendant à la DMZ, la zone démilitarisée. Je voulais vraiment essayer d'organiser un séjour au Nord, mais les obstacles me paraissaient trop importants. Je possède un visa sud-coréen et je me voyais mal rentrer en Corée du Nord alors que je vis au sud. De plus, il n'est possible de rentrer en Corée du Nord que par la Chine ou la Russie. J'aurais donc dû demander un autre passeport, me rendre en Chine, et accessoirement vendre un de mes reins pour me payer le séjour de 4 jours (compter 1500 euros).

Enfin, j'ai donc choisi l'option la plus raisonnable, à savoir un tour dans la DMZ et la JSA (la Joint Security Area). Mon Dieu, j'étais aussi excitée que si j'allais rencontrer Micheline Calmy-Rey. Départ donc à 6.15am de ma résidence avec ma camarade Axelle. Nous nous rendons à Camp Kim, un camp militaire au centre de Seoul, et nous embarquons dans un car avec une trentaine d'autres touristes. L'agence de voyage qui organise le tour est affiliée à une association d'aide au soldats américains à l'étranger. Après une heure de trajet sur l'autoroute, nous pénétrons dans la DMZ. Cette zone de 4 km de large, 2km au sud et 2 km au nord de la frontière entre les deux Corées, marque la séparation entre les deux pays depuis la signature de l'armistice de 1953. Les frontières sont les mieux gardées au monde et la zone est truffée de mines. Le poids de l'histoire est immense. Il s'agit là d'une des uniques reliques de la guerre froide. Un soldat américain nous sert de guide, après nous avoir briefé pendant une vingtaine de minutes sur l'histoire de la zone. Dans notre bus militaire, nous nous rendons à Panmunjeom, à la frontière entre les deux pays. Un édifice sud-coréen fait face à un édifice nord-coréen. Au milieu, des maisons bleues où on lieu les éventuelles négociations de paix. Chaque côté est gardé par des soldats stoïques. Je reste incrédule devant ce spectacle unique.
Panmunjeom, où la frontière entre les deux Corées vue du côté sud-coréen
La visite comprenait aussi un arrêt au 3e tunnel d'infiltration creusé par les nord-coréens, à un observatoire sur la DMZ côté coréen, ainsi qu'un stop à la gare de Doorasan, construite pour relier Pyongyang à Seoul. Des convois ont effectué le trajet mais ont pris fin en 2008, lors d'un incident militaire entre les deux pays.

Je suis revenue ébahie de ce tour, complètement impressionnée par la présence encore et toujours très importante du conflit dans l'histoire de la Corée.

Rock Soldier sud-coréen, choisi pour sa stature
 imposante afin d'impressioner l'ennemi


L'observatoire de Doora


La gare de Doorasan incarne l'espoir
 d'une réunification prochaine


Un militaire nord-coréen nous a même pris en photo depuis son édifice, c'est dire les secrètes stratégies qui doivent se tramer des deux côtés. Chez les civils, le son de cloche est différent. Il semblerait que les gens aient l'espoir d'une réunificaton. Mais cela est-il vraiment envisageable, au vu des tensions qui divisent encore les deux pays? Et plus encore, j'ai beaucoup de peine à imaginer la Corée du Sud, si dynamique économiquement, réunie avec son frère ennemi communiste (et abandonné de tous sauf de la Chine). Les antagonismes semblent insurmontables. Le point commun des deux Corée est l'exploitation de la DMZ comme une attraction touristique: le nord propose en effet le même type de tours pour les quelques touristes qui s'y rendent. C'est un bon début, une manière similaire d'apprivoiser le tourisme.

9 nov. 2012

La frénésie de l'apprentissage

Il y a deux semaines, les étudiantes de EWHA, tout comme les autres étudiants coréens, ont passé les examens de mi-semestre: les midterms. L'occasion pour moi de me plonger dans une culture de l'éducation et de l'apprentissage tout à fait particulière.
Une quinzaine de jours avant la semaine fatidique, la bibliothèque est prise d'assaut par des milliers d'étudiantes assoiffées de révision. D'apparence, elles semblent plongées dans leur lectures, les yeux rivés sur l'écran de leur ordinateur Samsung (apple ne doit pas faire de ventes sensationnelles ici...), très concentrées sur leur travail. Mais lorsqu'on y regarde de plus près, que neni! La maxime "les apparences sont parfois trompeuses" prend alors tout son sens.
La plupart des étudiantes arrivent à la bibliothèque très tôt le matin et repartent à la fermeture des portes. L'important étant de donner l'impression d'un travail acharné. La vérité est qu'elles passent un nombre incalculable d'heures à scruter leur téléphone, littéralement greffé à leur main droite (clin d'oeil spécial à celui qui se reconnaîtra ;) ). Elles chattent, sur Kakao Talk, le whatsapp coréen. Oui, en Corée, on n'utilise pas la même app que le reste du monde, on crée la sienne. Un peu comme les réseaux sociaux, les coréens sont sur Facebook mais sont aussi sur Cyworld, le Facebook coréen. Enfin bref.
Aussi, j'en ai surpris quelques unes regardant un épisode d'une série sur leur téléphone. Et pendant ce temps, l'heure tourne, contrairement aux pages des bouquins qui restent bien à leur place.
Et quand elles ne sont pas sur leur téléphone, elles dorment. Oui oui, elles sont un peu fatiguées? Qu'à cela ne tienne, elles préparent un petit coussin avec leur trousse de stylos et hop, elles s'endorment la tête posée sur la table pendant quelques (longues) minutes.
Et le mystère reste entier quant à leurs résultats scolaires. Ca tape dans le haut du tableau ici, et ça pleure pour un A- (équivalent du 5 en Suisse). Alors, j'ai essayé de comprendre de quelle manière elles étudient et qu'est-ce qui les rend si fatiguées. La réponse se trouve dans la structure même du système scolaire coréen.
Une bonne étudiante est une étudiante capable de mémoriser PAR COEUR 5 VOLUMES d'un livre de théorie et de les recracher tel quel. Bonjour l'effort!
Il y a des causes et des conséquences désastreuses à ce système. Tout d'abord, l'avenir d'une jeune personne en Corée est déterminé par l'Université qu'il ou elle va fréquenter, en fonction du prestige de l'établissement. Les jeunes triment comme des malades durant le collège pour avoir les résultats les meilleurs et pouvoir rentrer dans les meilleures universités du pays. Le tout est de faire honneur à sa famille en obtenant les meilleurs resultats possibles. Les questions liées à l'honneur et au prestige sont centrales en Corée. On n'apprend donc pas aux jeunes à réfléchir, à développer leur esprit critique et à être créatif, on leur apprend à apprendre par coeur. 
Bon, cette explication est très simplifiée mais l'essentiel y est!
Et la conséquence de ce type d'éducation est la création de petits moutons qui suivent ce qu'on veut bien leur dire. Comment imaginer une économie dynamique, créative et compétitive si l'on ne forme que des employés qui suivent à la lettre les ordres?

On m'a dit que certains professeurs interdisaient aux étudiantes de les interrompre pendant leur leçon, c'est pour dire!
Après-midi sudieuse dans la salle de travail dl'ECC building de EWHA


La Corée avance trop vite, elle ferait mieux de ralentir et de réfléchir à sa direction plutôt que de foncer tête baissée.